ma ville et mon corps interculturels


Bruxelles représenterait la deuxième ville la plus multiculturelle du monde… Au-delà de ce constat, qui pour les uns est source de réjouissance et pour d’autres un facteur déstabilisant, que recouvre cette réalité ? Que signifie vivre dans une ville multiculturelle ? Et cette ville, est-elle interculturelle ?

« Nous sommes une vingtaine de Bruxellois-es porté-e-s par plusieurs cultures. Nous sommes immigré-e-s, enfants de l’immigration, expatrié-e-s, métis-ses, multilingues. Nous avons changé de milieu social, nous sommes en couples mixtes, homosexuel-le-s, nous sommes handicapé-e-s… Qu’avons-nous donc en commun ? Nous jonglons entre identification et rejet de notre héritage. Nous supportons des attentes paradoxales voire inconciliables de la part de la société, de notre entourage. Et, au même moment, nous pressentons que l’interculturalité est l’avenir du monde.

Nous nous sommes rencontré-e-s quatre fois entre mai et juin 2018. Nous avons cherché au fond de nous et ensemble ce que pouvait être l’interculturalité, la manière dont elle s’incarne dans les espaces et la manière dont elle s’incarne dans nos sphères mentales. Le parcours a été riche et intense : ce sujet est source de tensions. Il nous touche dans notre intimité. Nous avons beaucoup écouté, débattu. Ce ne sont pas les conclusions de ces discussions que nous présentons, mais plutôt des questions, des possibilités, des provocations parfois.

Nous vous invitons à faire ce parcours à votre tour : à penser, à contredire, à débattre… bref à dialoguer. Avec vous-même et avec d’autres. Car il y a une chose que l’on peut affirmer sur l’interculturalité : elle est mouvement, elle est action dans la société.
Avant d’entrer dans cette exposition, nous vous posons une première question : quelles étiquettes vous collent à la peau ?

Pourquoi cette question ? L’interculturalité, c’est accepter que nos différentes cultures interagissent et s’influencent. L’interculturalité, c’est aussi et surtout reconnaître qu’une personne est un être complexe. Aucun d’entre nous ne représente une seule et unique communauté.

Nous avons hésité à vous poser cette première question à propos des étiquettes, qui semble consolider la simplification de nos identités. Et pourtant… les discriminations sont bien réelles et elles se fondent entre autres sur les préjugés. Ces derniers sont pour plusieurs d’entre nous synonyme de souffrance quotidienne. S’y soustraire, se justifier, faire des compromis entre ce qu’on attend de nous et ce que nous sommes, résister, … demande une énergie considérable. On peut lire les cartes de l’exposition comme des cartes de l’énergie déployée.

Cette question des ‘étiquettes’ fait justement ressortir nos différences face aux stéréotypes : certains y répondent sans être touchés, certains la voient comme une revendication, une occasion de faire reconnaître l’invisible. D’autres la ressentent comme une stigmatisation de plus, qui prend ses racines dans les aspects violents de l’Histoire occidentale encore minimisés : colonisation et néo-colonisation, oppression des minorités, hégémonie économique et culturelle…

Nous ne vivons pas la ville de la même manière que notre voisin-e. Vous êtes par exemple ici aux Halles Saint-Géry, un lieu central qui ne nous paraît pas être un endroit neutre. Comme beaucoup de lieux d’exposition, il est associé à l’image d’une population de classe moyenne ou supérieure, plutôt blanche. Certains d’entre vous serez rassurés par ce contexte alors que la méfiance des autres s’en verra renforcée.

Entrer en dialogue, c’est poser les questions qui dérangent. Notre but ici n’est pas de stigmatiser mais de faire apparaître les enjeux territoriaux : existence formelle et informelle de lieux d’échanges, accessibilité variable aux services de la ville, pratiques d’entre-soi ségrégatives ou nécessaires, et aussi instrumentalisation de la mixité à des fins de paix sociale.

Chaque visiteur-euse, en s’installant dans un des quinze salons, peut rencontrer l’un-e d’entre nous au travers des photographies et des bandes-son. Chacun-e peut à son tour témoigner et ainsi augmenter cette réflexion interculturelle. En répondant aux questions des
cartes, en lisant les réponses, il-elle peut comprendre des vécus opposés ou partagés. Nous sommes tous humain-e-s : avec nos yeux qui cherchent des repères, nos bouches qui babillent, nos cœurs qui s’emballent, nos têtes qui chauffent, nos mains qui saluent.»

Edito collectif, par l’équipe des auteurs

« Mon identité, c’est ce qui fait que je ne suis identique à aucune autre personne »

Les identités meurtrières Amin Maalouf (p. 16).

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Statut : Projet initié par Habitants des images, équipe : Rokia Bamba, Karine Bauduin, Savannah Desmedt, Béatrice Desorbay, Sarah Effer, Sylvie Fanta, Mélanie Genette, Hulboj Nancy-Zoi, Maria Ivorra, Adèle Jacot-Guillarmod, François Makanga, Ichraf Nasri, Niya Fatiha, Pedro Ruxa, Mélanie Peduzzi, Khalid Tahri, Georges Vereecken ;
coordonné par Adèle Jacot et Mélanie Peduzzi
avec le soutien de RV pour la scénographie, Rachid Seddouk pour l’installation et les images, Anthony Orhant pour le montage de projet
Partenaires :  PointCulture Bruxelles, Halles St-Géry
Outils :  témoignages audio disponibles ici

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